Je viens d’être arrêté.
Pour excès de tristesse.
Je suis mis aux fers. Je ne savais pas qu’on pratiquait encore cela.
Je crie. Je ne crie plus.
Je sais pas ce qu’ils vont faire de moi. Je sais ce qu’ils vont faire de moi.
La cellule est froide, je suis assis sur le sol, j’ai le dos contre le mur.
Des larmes glaciales et coupantes dégoulinent le long du mur.
Je ne sais pas d’où viennent ces larmes. Je me dis que quelqu’un pleure.
Les larmes me cisaillent le dos, me déchirent le corps.
J’entends des cris, là-bas. Je me dis que c’est assez loin.
Je me dis qu’ils s’occupent de quelqu’un d’autre. J’ai un peu de répit.
Derrière la petite grille, un nuage obscurcit la lune. Mon coeur se gonfle. Une énorme larme inonde mon âme. Mais ça va passer. Patience, ça passe toujours. Serre les dents. Étrangle toi mais ne pleure pas. Les hommes ne pleurent pas. Un homme ne pleure pas, je me souviens bien de ce qu’on m’a appris.
Infini sanglot j’étouffe. Je reprends mon souffle. J’étouffe à nouveau.
Une petite fée apparaît. Charitable petite fée. C’est une petite fée de rien du tout.
Même les contes les plus populaires n’ont pas voulu d’elle.
C’est bien pour ça qu’elle est là cette nuit. Elle n’a rien d’autre à faire, voilà tout.
Elle n’est la marraine de personne, tu penses bien, jamais personne ne l’a laissée se pencher sur un berceau.
Alors elle est bien contente de me trouver là.
« Salut Petit Homme aux petites épaules. Il y a bien trop de poids sur tes épaules. Pourquoi as-tu pris tant de poids, alors que tu es si frêle ?
– Mais reprends ton chemin, misérable mouche. Que connais-tu de la vie ? Et qui es-tu pour venir me donner des leçons ? »
Elle se contente de sourire, elle fait comme si elle connaissait tout de la vie, la maline.
Si froid. Les larmes de métal ont découpé partout ma chair. La vie s’écoule au dehors et mon sang se mêle à la puanteur humide des murs rouillés.
Pauvre fée. Pauvre fée sans conte. Pas plus de prince et rien à enchanter.
Mais prête à acheter l’amitié du premier misérable venu, que la vie abandonne.
Si froid, si vide, les cris là-bas s’éloignent encore un peu plus, ou est-ce moi qui m’éloigne ?
“Tu peux dire tout le mal que tu veux… Mais je peux te faire sortir d’ici. Je suis même la seule qui puisse te faire sortir d’ici… »
Mais sa voix s’éloigne dans les cris qui s’éloignent.
Pas une lueur d’espoir ne traverse mes yeux. Je pense que je ferme les yeux.
Sortir pour quoi faire ?
Alors que mon corps se déchire, mon esprit trouve l’unité.
Toute ma vie trouve son sens.
Dans cette arrestation.
Tout ce qui a existé avant n’a existé que pour en arriver là, à ce moment précis.
Pas de sortie.
Pas d’échappatoire.
La mouche s’est envolée.
C’est froid, c’est glacial.
D’une implacable logique.
Et c’est très bien comme ça.