« Il y a une culture communiste et je voudrais lui rendre hommage. »
– François Hollande
« Et bien oui, quoi, c’est vrai, les parcs d’attraction actuels donnent toujours à voir aux visiteurs le même côté des choses, à travers le filtre de l’impérialisme américain », s’exclame Martine, la cinquantaine, et déjà militante du parti communiste français depuis plus de 25 ans. À ses côtés, Jean-Robert, son compagnon, un grand homme sec aux cheveux frisés, militant CGT, renchérit, l’air rêveur : « avec les camarades, on s’est dit qu’il fallait faire quelque chose, on ne pouvait pas laisser triompher encore une fois le diable capitaliste ultra-libéral ».
C’est ainsi qu’est née l’idée de LutClassParc, un parc d’attraction destiné à promouvoir la culture communiste, mais aussi, assure Jean-Robert, « à montrer comme il ferait bon vivre sous un régime communiste, si seulement cela était possible ». D’ailleurs, le parc fera la part belle aux souvenirs d’Union Soviétique : dès leur entrée, et « afin d’être tous égaux », les visiteurs, appelés « camarades » pour l’occasion, seront vêtus d’uniformes bruns identiques à ceux des jeunesses communistes, et bien sûr, le seul modèle de voiture autorisé sur la parc sera la Lada 1200.
Mais quelles attractions ? « À ce stade du projet, bien entendu, nous ne pouvons pas encore tout dévoiler des merveilleuses attractions communistes que nous préparons », sourit Martine avec un air un peu niais. « Ce qui est certain, poursuit Jean-Robert, c’est que la visite commencera par le Musée Karl Marx. Ce sera l’occasion pour beaucoup de camarades, jeunes et moins jeunes, de découvrir les plus belles réalisations du communisme dans le monde. Beaucoup d’entre eux seront surpris de découvrir que certaines d’entres elles sont françaises, comme notre système de sécurité sociale que le monde entier nous envie… LutClassParc, c’est un parc d’attraction, certes, mais il y a aussi une vocation éducative ou plutôt ré-éducative…«
Financer le projet n’a pas fait peur à nos camarades. « Investissement, levée de fonds, recherche de subventions, autant de concepts nouveaux pour nous, mais que nous avons appris à maîtriser, assure Martine, vous savez, c’est vrai que lorsqu’on est communiste en France au 21ème siècle, on n’est déjà plus à une contradiction près… » Le terrain ? Pas un problème. Jean-Robert a hérité de quelques dizaines d’hectares en Seine-et-Marne. Un lieu idéal selon lui : « À l’heure actuelle, le parisien qui veut se faire une idée de ce qu’est vraiment le communisme, il fait quoi concrètement ? Il peut aller à Cuba ou en Corée du Nord, certes, mais c’est loin, c’est cher et c’est polluant ». La levée de fonds initiale ? Un vrai succès ; aussi étonnant que cela puisse paraître, un certain nombre de grandes fortunes françaises ont tenu à prendre part au projet : « il y a une vraie sympathie qui s’exprime pour le communisme, estime Jean-Robert, même chez des gens qui ont de l’argent ; au fond, les français dans leur ensemble ne veulent pas laisser disparaître ce qu’ils considèrent comme une part de leur héritage ». Mais bien entendu, c’est l’État, qui a apporté le plus gros de l’investissement. « Oui c’est vrai, nous disposons de copieuses subventions du ministère de la culture », assure Martine, « ce n’est pas cher, c’est l’État qui paie ».
Mais quid des horreurs commises par le communisme, des cent millions de morts, des déportations, du goulag ou du lao-gaï ? « Oh il ne s’agit pas de dire que ceci ou cela n’a pas existé, explique Jean-Robert, il s’agit de remettre les choses dans leur contexte ; il est probable que sans la pression de l’occident capitaliste mangeur de chatons, l’humanité se serait laisser diriger plus facilement vers le bonheur universel… Et puis, est-ce que les récits des uns ou des autres n’ont pas été parfois exagérés ? » D’ailleurs, à LutClassParc, il sera possible, pour une nuit, de dormir dans un des baraquements en bois reconstruits à l’identique de ceux des camps de travail soviétiques : « par contre, sourit Martine, qui a décidément un air de plus en plus niais, les visiteurs disposeront de tout le confort moderne, notamment eau chaude et chauffage ».
Comme mon cauchemar ne prend pas fin, j’interroge Jean-Robert : « Rassurez-moi, tout ceci est une grande farce, n’est-ce pas ? Une mauvaise blague ? » Il me jette un regard noir : « C’est un reproche un peu facile, vous ne trouvez pas ? Et Disney alors ? Vous croyez que Mickey existe réellement ? Et puis, tout cela correspond bien à notre façon à nous de vivre notre communisme… »
Il est six heures lorsque j’ouvre les yeux. Je reviens peu à peu à la réalité. Quelque chose me dit que tout cela n’est pas complètement impossible… Et surtout, quelque chose me dit que si cela arrivait, ce serait probablement en France…