La plupart du temps, je refuse de prendre les appels visio lorsque je suis en train de courir. Non pas que je sois réfractaire à la technologie, loin de là, mais je suis tout de même devenu un « ancien », et il me semble que la course doit garder un petit goût de l’autrefois…
Beaucoup ne s’en souviennent pas, et cela paraît maintenant difficile à croire, mais seulement quelques années en arrière, nos chaussures de sport n’avaient même pas leur propre adresse IP ! Et du coup, aucun des services associés, comme le remplacement automatique des chaussures usées. Il fallait, d’une façon ou d’une autre, se souvenir du nombre de kilomètres parcourus, ou estimer l’usure des chaussures par soi-même, afin de décider de l’éventuel achat d’une nouvelle paire. La technologie contenue dans une semelle était d’ailleurs relativement simple : pas de système d’autocorrection de la foulée par exemple, ce qui nous exposait à tout un tas de fatigues inutiles et dangereuses. Les systèmes d’assistance à la course eux-mêmes étaient assez rudimentaires, si l’on compare à l’incroyable quantité de données qui sont aujourd’hui recueillies, stockées et analysées en une seule heure d’exercice ; et à la façon dont nous sommes immédiatement alertés, par exemple, de la moindre anomalie de notre rythme cardiaque… Cependant, depuis que l’homme est homme, il est aussi un coureur, et j’aime à me rappeler les distances impressionnantes que couraient nos grand-grand-parents du Paléolithique, sans aucun des gadgets qui nous rendent l’exercice plus facile aujourd’hui.
La plage s’allonge à perte de vue devant moi. Le soleil du matin admire ses milles reflets sur la mer. Je force un peu l’allure et la brise de janvier se fait un peu plus fraîche sur mon visage.
La plupart du temps, donc, je ne prends pas les appels visio pendant que je cours ; je savoure mon moment de liberté. Mais là c’est un peu différent, c’est Dan qui m’appelle et cela fait plusieurs semaines que nous remettons un rendez-vous pour discuter d’une de ses idées autour d’un café. Je ne veux pas remettre encore à plus tard une promesse qui date de bien avant Noël ; je lui propose aujourd’hui même, 16h00. Aussitôt, je reçois une alerte de ma voiture : elle me propose de décaler le rendez-vous à 16h30, car elle craint de ne pas être rentrée à temps de sa séance d’entretien pour m’emmener. Cela convient aussi à Dan, voilà, c’est noté comme cela.
Tout en continuant à courir, je me fais cette réflexion : la voiture aurait tout de même pu me prévenir qu’elle avait un rendez-vous au garage… En même temps, pourquoi l’aurait-elle fait ? Chacune des moindres pièces qui la compose est à la fois intelligente et connectée, capable de rendre compte à chaque instant de son état de santé. Si quelque chose a besoin d’être remplacé, la voiture commande elle-même les pièces nécessaires. Le système informatique du garage lui fait savoir directement que les pièces sont disponibles. La voiture fixe le rendez-vous avec le garage, après avoir pris soin de contrôler les emplois de temps de tous les membres de la famille. Puis elle se rend d’elle-même au garage. Il faut bien le reconnaître, c’est tout de même un peu moins compliqué pour nous que lorsqu’il fallait penser à tout…
Mon footing matinal touche à sa fin. Je me livre à quelques étirements devant la maison avant de rentrer. J’attrape une bouteille de jus d’oranges dans le réfrigérateur. Alors que j’étais gamin, je me rappelle avoir imaginé un frigo qui rendrait compte de tout ce que la famille avait consommé dans la semaine afin de l’aider à préparer sa liste de courses. Mais il était alors difficile d’imaginer que chaque article disposerait bientôt de sa propre puce électronique, et que le réfrigérateur allait lui-même s’occuper des courses en passant les commandes.
Alors que je me dirige vers la salle de bains, la douche connectée a déjà préparé ma température d’eau préférée, je réfléchis à la façon dont tous ces objects intelligents, toute cette intelligence connectée, ont changé nos vies au cours des dix dernières années, et je me souviens d’un post que j’avais rédigé en 2015 pour l’anniversaire de mon fils. Je lui disais en substance qu’il n’y avait pas de moyen plus réel et plus tangible à cette époque de changer le monde que le code.
Le Monde est code. Code le Monde.
Voilà qui était devenu plus vrai que jamais.
Un magnifique article
Merci Thomas, c’est un tout petit article, histoire de me « remettre en jambes »…
Quel talent Cyrille ! Il est temps d’envisager l’écriture d’un roman. Amazon propose justement de le publier directement sur Kindle Direct Publishing !
Merci Jacques. Je le prends comme du second degré, bien entendu ‘) Je vais commencer par être un petit peu plus régulier sur ce blog, ce sera déjà un bon début. Bien à toi et bonne année !
Tu es modeste mais j’étais sincère 😉 toujours intéresser par tes posts. A bientôt